Qu'est ce qu'une substance ?
Étymologiquement, ce qui se tient en dessous, tel un support donc.
L'idée était de faire le distinguo à l'égard d'un objet ou d'un sujet entre ce qui subsiste à l'état permanent et procure le sentiment de continuité ; et ce qui est transitoire, comme les accidents, les changements d'états ou les attributs.
Exemple : M. Beta est en forme. M. Beta est malade. M. Beta est joyeux. M. Beta a la jambe cassée.
M. Beta s'est fait refaire le visage. M. Beta est svelte.
Vous voyez bien ici que l'état de M. Beta a beaucoup changé, pour autant, c'est toujours la même personne. Il y a donc quelque chose de permanent chez M.Beta qui... « subsiste ».
C'est ainsi que l'on a désigné la substance comme la chose en soi. La chose, vous vous rappelez ? Ben oui, parce qu'on sait bien que pour un sujet considéré, il y a un « truc » qui fait que cette « chose » reste la même, mais on ne sait pas quoi.
Pourquoi lorsque je me modifie, je reste malgré tout le même pour vous ? Pourquoi il y a-t-il continuité de mon identité dans le temps ? Il en est de même pour tout d'ailleurs. C'est quoi cette chose qui fait support ?
Le support, ce n'est rien d'autre que la réalité pulsionnelle. Oui, que dire de la pulsion sinon qu'elle est substance et non matière. Bien entendu, il convient d'expliquer pourquoi.
- On dit de la substance qu'elle est ce qui existe par soi-même. Coïncidence parfaite, c'est la définition déjà vue et revue de la pulsion sur ce site, pulsion qui n'est rien d'autre qu'un mouvement qui apparaît tout seul, de lui même.
- On dit de la substance qu'elle est permanente, qu'elle assure la continuité. Que dire de la pulsion sinon qu'elle est un mouvement qui perdure ? Le cœur bat tout seul, en permanence. La faim revient en permanence, par à-coups rythmiques réguliers. Que dire de la croissance, du renouvellement des cellules. Le mouvement qui façonne l'espèce humaine et lui induit la station debout, la parole, perdure lui aussi à travers les époque. Et il se pourrait même que certains éléments les plus centraux et subsistants soient présents dans nos désirs les plus individuels.
- Enfin, la pulsion n'est pas une matière, pourtant elle est bel et bien une réalité. Mais une réalité si subtile qu'elle est très difficile à distinguer. La preuve en est que la pensée, déjà bien subtile, est inapte à observer les pulsions : il y a un fossé entre ce que je pense de moi et ce que je désire. Le mot substance illustre bien le statut de corps subtil, corps premier.
Faut-il donc considérer la substance comme l'essence, la nature ? En théorie oui, puisque notre nature est expressément ce qui nous définit, et il n'y a rien de plus permanent qu'une définition. Ainsi la chose la plus importante qui me caractérise est nécessairement permanente, auquel cas je ne pourrais pas être moi à travers le temps.
Exemple : Gageons que la définition essentielle d'un oiseau soit relative à ses ailes, son bec, son plumage. Si tous les deux ans la forme des oiseaux se mettait à changer, qu'ils
perdaient aléatoirement leurs ailes, leurs becs, et développaient aléatoirement des organes, alors je ne saurais plus à quoi j'ai affaire. Comment reconnaitre des animaux qui changent tout le
temps ?
Remarque : C'est de l'imagination. Et je ne sais rien de la définition d'un oiseau.
Mais il y a un problème. L'essence est toujours unique, puisque centrale, en effet on ne peut pas avoir deux centres dans un cercle. Mais des supports, il y en a plusieurs. Ce que je veux dire, c'est que l'on peut considérer plusieurs choses permanentes selon l'étage ou l'on se situe. Ainsi il existe une continuité dans mon individualité, puis dans mon genre, enfin dans mon espèce. Vous comprenez le principe.
Exemple :
- M. Beta (individualité, permanent) est très gêné.
- Les hommes (genre, permanent) sont devenus plus caractériels avec le temps.
- Les êtres humains (espèce, permanent) basculent dans la folie.
D'ailleurs, vous l'aurez compris, pour chaque support il existe des pulsions associées. C'est ainsi que nous avons ce que l'on appelle communément les besoins primaires pour les pulsions relatives à l'espèce, puis les besoins plus secondaires relatifs à mon genre et mon appartenance (j'ai pas vraiment réfléchi à la question) enfin les aspirations personnelles qui sont les pulsions propres de l'individualité.
Remarque: Les catégories ne sont pas pensées pour être parfaites. C'est le principe que vous devez comprendre ici.
Alors, laquelle de ces pulsions est centrale, essentielle, et du coup que sont les autres pulsions ?
Il faut considérer la chose suivante : les pulsions les plus subtiles s'appuient sur les pulsions les plus grossières, comme la fin s'appuie sur le début. En ce sens, c'est toujours la pulsion la plus subtile qui donne le plus de sens, qui définit la nature des choses.
Exemple : Ce n'est pas le fait de manger et boire qui définit ce que vous êtes, bien que ces choses soient importantes, elles ne renseignent pas sur le sens que vous donnez à votre vie, au contraire de vos aspirations et vos rêves. Devenir un athlète par exemple, voilà qui nous renseigne bien mieux sur votre nature.
En revanche, il est à noter que les pulsions plus grossières, si elles ne sont pas une fin en soi, sont bel et bien un début, ou plutôt un socle. En ce sens elles ne sont pas centrales, mais fondamentales, et donc entrent de manière indispensable dans l'épanouissement des pulsions les plus fines.
Exemple : Il est impossible de réaliser ses rêves sans combler ses besoins essentiels, avant de rêver, il faut d'abord manger, boire et bien dormir. Sinon on meurt. Autrement dit, pas d'individu sans survie au préalable.
Mais attention ! La grossièreté ou la subtilité d'une pulsion ne dépend que de l'état de l'être considéré ou de sa considération du moment. Ainsi, quand la survie devient une fin en soi, et que la question de l'individualité est mise de coté, boire, manger et dormir est essentiel. Pensez aux animaux, ils y voient du sens eux.
Vous l'aurez compris, toutes les substances (tous les supports permanents) sont des essences, mais en comparaison, certaines sont plus fines que d'autres. Ainsi les pulsions les plus grossières seront dites substantielles, car relatives à la subsistance, et les pulsions les plus fines seront dites essentielles car relatives au sens, à la nature.
C'est une relation entre deux pôles, qui ne s'arrête pas là dans les considérations. Regardez comme il est amusant de noter que les pulsions relatives à l'espèce tendent vers une forme de généralisation, d'indifférenciation quand les pulsions relatives à l'individualité tendent à me singulariser. En clair les désirs propre à l'espèce sont communs aux hommes qui mangent, boivent, respirent et dorment, et donc sont en ce sens tous pareils ; tandis que les désirs individuels nous rendent différents les uns des autres, ainsi je me distingue de mon voisin de par ma volonté d'être artiste par exemple.
En ce sens, il est clair que la substance se rattache plus facilement à la vie, au fait d'exister et à la quantité...
Exemple : Une pierre, ça existe, c'est là. Mais c'est tout, ainsi, peu de différences entre les pierres.
La survie fait primer le fait d'exister au fait de vivre, peu importe qui je suis, tant que je suis.
… tandis que l'essence se rattache à la nature, au fait d'être vivant (intensité) et à la qualité.
Exemple : Un homme fait plus qu'exister, il cherche à exprimer sa nature, ce qu'il est, et c'est ce qui le distingue de ses pairs. La vie épanouie fait primer l'intensité de vie sur le seul fait d'exister.
Rapport qui peut être enrichi par la notion d'espace (substance, quantité, existence) et de temps (essence, qualité, forme).
Il ne vous reste plus qu'à vous approprier toutes ces informations à votre sauce, avec vos références.
P.S : Si j'ai souligné « la vie épanouie », c'est parce qu'il existait un mot beaucoup plus adéquat pour la phrase, mot qui fera l'objet du prochain article.
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