La conscience - partie 3 : naturel contrarié et identification

Les formes générées par la conscience, sont elles manifestées le plus naturellement du monde ? En théorie mille fois oui. Mes prises de postions, mes centres d’intérêts sont censés être les plus naturels possibles.

Mais en fait non. Évidemment.

Bien souvent, le naturel, l’intérêt est contrarié dans son expression, violenté par la rudesse du monde extérieur.

Exemple : Ado, vous aimiez un certain type de musique rétro, mais dès lors que vos camarades entendaient cela, ils ne manquaient pas de vous railler. Et il ne fallait pas compter sur les structures scolaires pour vous protéger.

 

Le naturel, bien que spontané, demande à être protégé, encouragé. On prend soin des jeunes pousses. Le problème étant qu'à coup sûr, vous vous êtes fait maltraité au regard de votre naturel. Et ne blâmez pas nécessairement vos parents, car nous vivons dans des sociétés si anti-pulsionnelles, anti-naturelles, qu'il est difficile de s'épanouir. Même avec la protection aimante de votre famille.

Bien sûr ceci n'est pas une ode à la permissivité, il est par exemple normal de cadrer l’intérêt d'un enfant selon certaines restrictions.

Exemple : Un enfant peut être attiré par la beauté d'un feu d'artifice, mais vous, en tant que parent devez l’empêcher de les toucher. Il ne sait pas encore que c'est dangereux, et que l'attrait pour le feu réclame des précautions spécifiques. Il l'apprendra en grandissant.

 

Cependant, cadrer et dresser sont deux choses différentes. Et nous vivons dans un monde qui nous apprend à bâtir de grandes cloisons étanches entre nous et nos réels amours.

Exemple : Vous êtes naturellement attiré par l'art, mais tout le monde dans votre famille dit que c'est un truc de fiotte ou d'escrocs. Vous en avez marre de vous faire moquer dès lors que votre regard est trop appuyé sur une œuvre quelconque. Donc vous êtes devenu le bourreau : vous prenez les devant sur la critique quant aux artistes, histoire d'être sûr que personne ne se retourne contre vous.

Remarque: parfois c'est pire, le naturel est violé. On le verra avec les pulsions dantesques plus tard.

 

Ainsi, l’intérêt, en se déportant ailleurs que ce que son attirance suppose, fait jaillir à terme une nouvelle personnalité qui singe le naturel. On pourrait croire que le phénomène est temporaire. En ce sens il suffirait d'user d'une personnalité de secours que l'on ne manquerait pas d'abandonner quand les choses se tassent. Que nenni. D'abord disons qu'il est tout sauf agréable de jouer un rôle qui n'est pas le nôtre.

Exemple : Votre belle famille déteste les pauvres. Pourtant vous venez d'une famille modeste. Ainsi, aux repas de famille, vous vous sentez frustré(e) de ne pouvoir leur dire leurs 4 vérités. C'est qu'ils vous tomberaient tous dessus, et vous ne voudriez pas peiner votre conjoint(e). Mais bon sang, ça fait mal de se retenir.

Dur d'être un autre. En ce sens le vrai naturel est la meilleure économie d’énergie. Je veux dire, essayez un peu de marcher sur les mains pour voir. Fatiguant non ? Il vaut mieux se tenir debout, comme le veut la nature.

Mais voilà le problème : des gens qui marchent sur les mains, on en voit beaucoup. Alors pourquoi ? Pourquoi de telles choses arrivent ? A cause de l'immersion.

 

Imaginez un peu que vous soyez complètement immergé dans cet environnement hostile, avec, à vos yeux, aucune échappatoire. Comment donc y survivre ? Vous allez le voir, les mécanismes de défense ne sont pas anodins, ni réversibles à souhait. Ici nous allons parler par avance de l'un des derniers mouvements de la conscience : l'identification.

Fort heureusement il y a tant à dire sur ce mouvement que nos révélations anticipées ne seront aucunement dommageables pour la suite.

 

L’identification apparaît lorsque l’intérêt se centralise de manière durable, ou lorsque l'attention se cristallise si vous préférez. Ainsi, la conscience est portée à observer toujours les même sujets avec une telle intensité dans le "regard" que l'on peut parler de fusion. En clair on se fixe sur certaines choses. Attention, il ne s'agit pas simplement de concentration. Là on parle de centralisation, de fusion : vous êtes désormais fixés de manière « pérenne » sur les sujets que vous observez, si bien qu'ils sont ancrés durablement de votre vie, et vous devenez ces centres d’intérêts. C'est de là que naît la forme, la personnalité; de la pesanteur et la fusion, car si vos centres d’intérêts changeaient continuellement, on ne pourrait vraiment vous définir.

 

Seulement voilà, il est des endroit pour lesquels il est difficile de se fixer, de s'identifier, au risque parfois de mourir. Alors on préfère oublier ces jardins intérieurs pour mieux se cristalliser sur des centres d’intérêts qui nous permettrons sinon de nous sentir vivant, au moins d'exister.

Exemple : Reprenons l'exemple de l'art, dans le bon sens du terme. Si la vie était bien faite, vous manifesteriez tellement d’intérêt pour la discipline qu'elle serait LE centre d’intérêt de votre existence, si bien que vous vous définiriez, ou les autres le feraient pour vous, comme un amateur d'art ou un artiste, directement.

Mais le monde étant ce qu'il est, pendant toute votre vie le fait de manifester de l’intérêt envers l'art se traduisait par des moqueries, si bien que toute forme d’intérêt est définitivement associée à la peur de souffrir à nouveau. Vous allez donc pleinement vous identifier à une activité validée par votre environnement, peut-être la musculation. Vous vous y donnerez corps et âme pour que l'on vous valide socialement, et vous le ferez tellement que vous oublierez votre centre d'intérêt premier (quoique vous l'exercerez sans vous en rendre compte, dans vos incohérences et erreurs de parcours les plus manifestes). Au contraire, vous croirez en ce mensonge qu'est la musculation pour vous. Et avec cette nouvelle image, les gens seront bien loin de pouvoir deviner cet attrait secret pour l'art qui existe à l'état latent en vous. Sauf les personnes qui vous connaissent vraiment et qui sont capables de dépasser vos carapaces pour saisir un germe de vie.

Remarque : Hé, j'ai rien contre la muscu hein. Au contraire. Mais pour la caricature ça fonctionne bien.

 

Voilà pourquoi on finit par épouser ce que l'on récuse. Si ce n'est pas clair, voici une métaphore :

Imaginez un peu que vous soyez contraint de marcher sur les main : vous n'accepteriez pas de le faire 5 minutes. Marcher, c'est avec les jambes. Cependant si vos jambes sont hors d'usage, vous serez bel et bien contraint de vous adapter à la nouvelle situation. Ainsi, la conscience effectue ce genre de résiliences face à des situations qu'elle estime insoluble, ou bien inaccessibles.

Enfin bref.

 

L'identification est une centralisation qui opère par une forme de gravité. Ainsi, il n'est pas impossible de déporter son attention ailleurs quelques temps, de bouger un tant soit peu sa conscience ailleurs. Mais la gravité vous ramènera tôt ou tard à votre centre d’intérêt premier. Et lorsque le vrai naturel est contrarié, la source de cette gravité ne peut être qu'un grand poids, généré à coup sûr par de la souffrance, ou quelque chose de ressemblant. Autrement il serait impossible de retenir l'attrait magnétique qui perdure entre nous et nos amours perdus.

 

Alors le naturel ? Une fois que l'identification est faussée, c'est terminé ? Dès lors que notre intérêt se déporte ailleurs, les choses sont-elles finies ? Pourtant je suis sûr que vous connaissez la phrase : chassez le naturel, il revient au galop. Tout ce que vous ignorez de vous même ne manquera pas de revenir sous une forme chaotique, qui sera traduite comme une incohérence dans votre vie. Pour le langage moderne, c'est l'inconscient. Autant de pulsions secrètes qui attirent la conscience malgré elle, par à-coups incompréhensibles.

Remarque: Toutes les contradictions sont des arrangements clandestins avec notre nature. Peu ou prou.

 

Mais pour la suite, reprenons quelque peu l'idée de forme et de personnalité...

P.S : Les bases avancent bien, on va pouvoir naviguer ailleurs dans pas trop longtemps.

 

Bonus

 

Les identifications malheureuses n'éteignent jamais la spontanéité. Elles l'étouffent seulement. Et d'ailleurs, la peur, la souffrance, ne sont jamais de vrais centres, mais de barrières qui ne manquent pas d'accompagner - ou plutôt de surveiller - la spontanéité de vos aspirations. C'est bien parce qu'il y toujours une "envie" (inconsciente)  de recommencer qui subsiste qu'il y a aussi la peur, autrement, vous oublieriez ces mauvaises expériences, et votre intérêt avec.

 

Ce lien perpétuel secret entraine quelques conséquences : Si l'on considère les choses avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de recul, alors les erreurs les plus manifestes d'une vie de mensonge ne manquent pas de traduire la vraie nature d'une personne. Un vrai recul montre toujours la trame réelle de ce que doit être ou aurait (ou sera, ne soyons pas pessimistes) dû être la vie de quelqu'un. Vous n'êtes jamais coupé de cette spontanéité, de cette nature. Elle se devine au travers de toutes les imperfections et bêtises incohérentes. Mais plus le décalage est grand, et plus la conscience doit être aiguisée pour y voir l'expression de votre essentiel, et il est des stades ou les seules grilles de lecture efficace ne peuvent être que des formes de symbolisme très appuyés.

Toujours est-il que vous devriez bien reconsidérer vos auto-sabotages...

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