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Clé des songes n°12 - Cauchemar, refoulement et dégoût

 

Pas la peine de vous expliquer ce qu'est un cauchemar, ou de vous en faire une illustration. Ce qui va nous intéresser ici, ce sont quelques caractéristiques du cauchemar.

 

En général, un cauchemar ne s'oublie pas. Il est saisissant, impressionnant. Et c'est problématique.

 

Pourquoi ?

Eh bien, si l'on s'en tient à ce que je viens de dire et selon mes critères (mes clés), on pourrait presque croire qu'un cauchemar est comme un beau rêve. Un rêve qui impressionne, qui a de la substance, qui ne s'oublie pas...

Bon, en vérité il suffit d'examiner le contenu des impressions pour avoir notre réponse : qu'une chose soit impressionnante ne suffit pas, il faut qu'elle le soit dans le bon sens du terme, et c'est ainsi que nous n'avons absolument aucune difficulté à repérer un cauchemar. C'est simple, il nous file la frousse ! Et c'est tout sauf agréable...

 

Ce que cela nous permet de dire en revanche, c'est que le cauchemar n'est pas fade. Et s'il n'est pas fade, c'est qu'il n'est pas pauvre (mais toute richesse ne présage rien de son usage...), donc comment doit-on l'apprécier ?

 

Selon moi, le cauchemar doit être envisagé comme l'expression d'une force vivante, puissante, mais pervertie.

 

Qu'est-ce que la perversion ?

C'est une inversion. Et on parle d'une inversion du sens. En clair, en raison d'un savant mensonge, une force en vient à se déployer d'une façon complètement incorrecte.

Exemple : Un talent pour la peinture devient faussaire. Un leader né devient gourou d'une secte. Un habile psychologue devient manipulateur. Tout cela se produit peu ou prou de manière similaire, un peu comme lorsque vous êtes sur votre canapé, légitimement frustré de quelques aspects de votre vie, et qu'une publicité vient vous dire (implicitement) qu'il vous suffira de consommer cette fameuse barre chocolatée pour que tout aille mieux. Un joli mensonge qui, à force de répétition, finit par marcher.

Donc une force très vitale sera déployée, exprimée, mais pas du tout de la bonne façon. Le cauchemar est dans le rêve le produit formel de la logique de perversion, ainsi il est comme une beauté inversée : la puissance est là, mais la logique n'est pas la bonne, le sens est dévié.

 

Mais il faut dire plus.

En effet, on ne parle pas d'une erreur, mais d'une perversion. L'erreur, l'accident supposerait un développement seulement inhabituel qui serait dû à notre ignorance de la vérité. Et c'est la laideur. Mais la perversion suppose une identification coupable au regard du mensonge : imaginez une personne qui serait fière d'être criminelle, qui se définirait par ces actes. Cette personne serait perverse.

Dès lors, on suppose d'une pulsion pervertie qu'elle soit porteuse non seulement d'une logique corrompue, mais surtout d'une logique de « corruption ». Elle est déformée parce qu'elle est le vecteur de la déformation.

Ainsi, l'idée de mensonge est vraiment capitale dans le cauchemar. Il en est de même pour la peur.

 

Mais d'où provient le cauchemar ?

En considérant ce que nous avons dit, nous avons donc deux possibilités :

 

-Soit que le cauchemar soit le produit de votre propre corruption, perversion : pour un temps, vous fonctionnez d'une manière illogique, et surtout contre nature, il en suit une déformation de vos pulsions.

 

-Soit que le cauchemar soit le produit d'un contact avec une pulsion pervertie : c'est une force néfaste de l'extérieur que vous avez côtoyée. Ce peut être un livre que vous avez lu, une rencontre, une structure (si, je vous assure), peu importe.

Une information importante:

Il est des pulsions pour lesquelles les portes sont grandes ouvertes, qui que vous soyez ou quelque puisse être votre culture. Des idées perverses qui n'ont pas de mal à pénétrer en vous. Pourquoi ? Parce qu'elles bénéficient de relais invisibles disséminés un peu partout. C'est ainsi qu'il n'est pas difficile d'être corrompu par des logiques néfastes au regard de l'argent, ou je ne sais quel autre sujet omniprésent.

Mais rassurez-vous, elles ne sont pas toutes-puissantes non plus.

 

Les cauchemars disent la vérité ?

Non. Ils la déforment volontairement. Alors oui, puisque le cauchemar s’appuie sur une force naturelle bien réelle, il y aura bien la trace d'un vrai sujet, ou d'une idée solide, mais cette idée sera complètement transformée, exagérée. Tout mensonge s'appuie d'abord sur la vérité, puis s'en écarte.

Bien sûr, ceci est à mesurer à l'aune du cauchemar considéré. Plus il est effrayant, plus il est une vérité travestie.

 

Si l'on parle de force vivante, cela signifie que ces logiques tordues... existent. D'une façon ou d'une autre. Qui plus est, elles sont intelligentes. Malignes dira-t-on. Mais bon, il ne faut pas exagérer leur emprise sur vous, un peu d'entrain, de bonne volonté, et elles n'auront plus la place de s'exprimer.

 

Que faut-il faire ?

Tenter de se sortir de la logique de corruption qui vous a effleuré. Cela ne nécessite pas forcément d'enquêter sur ce qui ne va pas en vous. C'est possible, mais pas forcément nécessaire. Non, la plupart du temps il vous suffira de vous concentrer sur quelque chose qui vous plaît, qui vous anime, et ce sera amplement suffisant. En fait, c'est un peu comme une maladie : il convient pour un temps d'avoir une hygiène psychique (ou spirituelle, c'est la même idée en plus poussée) plus appuyée. Donc évertuez-vous à voir des gens sains, à écouter, lire ou regarder de belles œuvres plaisantes, à fréquenter des lieux ou vous vous sentez en sécurité, ou encore à ne pas prendre de risques sur le plan psychologique pour un temps (pas de remise en question qui demande de l'investissement), et tout ira bien.

 

Remarque : Sauf à ce que vous vous soyez attaqué à des formes-systèmes immenses... Là, il ne faudra pas s'étonner de quelques représailles. Mais évidemment, cela ne peut arriver que si vous choisissez consciemment de remettre en question la domination de ces formes-systèmes géants. Cela suscitera bouleversement, chamboulement, et... menaces ! Si, si, je vous jure. Les structures sont vivantes.

S'attaquer à de tels mastodontes implique d'être préparé, autrement, ne faites pas de vagues et tout ira bien.

 

Ça ira pour le cauchemar. Restons dans le champ lexical du désagréable pour dire quelque chose d'important sur le refoulement.

Il y a cette idée, pseudo-diffuse, pseudo-commune, qui veut que les rêves traduisent nos désirs refoulés.

Soyons clairs, ce n'est pas faux, c'est même vrai, et ça peut arriver plus ou moins fréquemment en fonction des personnes. Mais vous aurez compris qu'il n'y a rien d'absolu là-dedans, de fait, un rêve peut traduire bien d'autres phénomènes que le seul refoulement.

 

D'autre part, et c'est surtout ce qui nous intéresse, utiliser cette idée sans aucune nuance peut conduire à de dangereux quiproquos.

Admettons : si vos rêves sont tous des désirs secrets, qu'est-ce à dire de ce qui vous répugne au réveil ? Ces rêves repoussants, vous les désirez ?

Exemple : M. Alpha rêve qu'il s'est remis en couple avec son ancienne compagne, personne qu'il ne supporte plus. Au réveil, la sensation est très désagréable...

Remarque : J'ai volontairement choisi un exemple acceptable, ça va nous servir pour la suite.

 

Il existe un très bon moyen pour faire la part des choses entre ce qui est « désiré » et ce qui ne l'est pas. C'est le dégoût. Le dégoût est une répulsion, donc un rejet vis-à-vis de quelque chose que l'on récuse naturellement. Si ça me dégoûte, ce n'est pas fait pour moi. Le dégoût est l'expression la plus parfaite de l'harmonie par la négative, c'est le « non » de la beauté. En ce sens, ce sentiment est le garant d'une hygiène psychique irréprochable.

Si un rêve vous dégoûte au moment du réveil, c'est qu'il a mis en scène quelque chose d’écœurant (qui vous arrache le cœur...) et donc totalement disharmonieux : c'est une force, une substance dont vous devez vous tenir éloigné.

 

Il faut prendre en compte le dégoût suscité pendant le rêve, mais aussi au moment du réveil. Surtout au moment du réveil.

 

Pourquoi ?

En fait, il existe un phénomène un peu trompeur parfois en rêve.

Il peut arriver que nous pensions ressentir un plaisir ou un bonheur vis-à-vis de quelque chose que l'on récuse. Mais c'est une illusion très subtile. Littéralement, c'est une confusion.

Imaginez que vous soyez affamé, sur le point de mourir de faim. Si l'on vous propose une nourriture que nous n'appréciez pas, vous ne risquez pas de faire la fine bouche ! Pire encore, vous aurez du plaisir à manger. Pour autant, cela ne veut pas dire que vous appréciez les aliments consommés. Non, ce qui vous comble, c'est tout simplement de manger.

Il en est exactement de même pour les rêves.

Exemple : Au moment du rêve, il est agréable à M. Alpha d'être en couple. Néanmoins à bien y regarder, le sentiment est subtil. Ce n'est pas son ancienne conjointe qui le comble, mais le simple sentiment de pallier sa solitude actuelle. Autrement, M. Alpha ressent toujours autant de répulsion pour son ancienne compagne.

 

Il faut donc faire preuve de discrimination. Et ce n'est pas une chose si difficile, croyez-moi, le dégoût du réveil saura distinguer ce qui est bon pour vous de ce qui ne l'est pas.

Remarque : Évidemment, plus on est répugné par quelque chose, plus il faudra se tenir loin de cette chose.

 

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