Le développement normal de l'intelligence - ou plutôt des facultés intellectuelles - est plus ou moins envisagé comme une pyramide. Ainsi, on considère que les facultés les plus élaborées se construisent sur des fondamentaux préalables, ce qui peut se justifier assez facilement : avant de pouvoir comprendre ou analyser un texte, il faut apprendre à lire en amont. Logique.
Remarque : Je ne dis pas que la schématisation pyramidale de l'intelligence est un absolu. Mais c'est une représentation qui fait sens et qui semble recouvrir un réel phénomène naturel, de portée générale.
On s'attend donc à ce que l'enfant développe dès sa naissance une intelligence dite concrète – une compréhension mécanique, spatiale – pour aboutir à terme sur des formes d'intelligences de plus en plus abstraites (théories et concepts).
En vérité, le schéma de cette évolution n'est pas parfaitement défini. Par exemple, le découpage peut quelque peu varier, ainsi certains envisagent une intelligence concrète, puis sociale/émotionnelle, enfin abstraite. Pour d'autres, on passe simplement de l'intelligence concrète à l'intelligence abstraite, sans considérer d'intermédiaire (ce qui ne veut pas dire qu'il n'y en a pas). On remarquera qu'il ne serait pas difficile d'accoler cette conception à notre triade préférée, et c'est peut-être bien ce qui est déjà supposé dans certains découpages :
- Dimension physique : développement de l'intelligence sensitive, motrice, spatiale, concrète.
- Dimension émotionnelle : développement de l'intelligence sociale, relationnelle.
- Dimension mentale : développement l'intelligence abstraite, théorique, conceptuelle.
Peut-être. Probablement. Ça m'arrange. À voir donc.
En revanche, une chose est certaine, l'enfant commence à user de ses facultés intellectuelles pour appréhender son environnement spatial, puis progressivement, il déporte ces facultés vers le temps, vers une vie intérieure.
Bref. C'est ainsi que les gens qui ont la tête bien faite, qui réfléchissent et raisonnent bien, sont, d'une certaine façon, considérés comme le pinacle de l'évolution. Parce qu'achevés, aboutis dans leur développement. D'un point de vue moderne.
Et pourtant... il me suffit de traduire quelques idées relatives à la section de l'initiation – en les tordant bien comme il faut – pour en dégager une nouvelle formule psychologique. Et donc, à savoir... que l'intelligence abstraite n'est pas le bout du chemin. Réfléchir est une étape, non une fin.
Ce que l'initiation nous apprend au regard de la psychologie, c'est qu'il existe un quatrième étage, que l'on pourrait qualifier d'intelligence de l'âme. Si nous avions des prétentions académiques, nous devrions parler d'intelligence analogique, mais les expressions de la logique de l'âme sont variées, donc on s'en tient à quelque chose de générique. Et vous appellerez cela comme bon vous semble plus tard.
En quoi cela consiste-t-il ? À se confronter au monde des pulsions, ou au moins à son inconscient (et ses secrets non avoués) pour commencer. L'homme véritablement accompli est l'homme qui est capable de faire face aux différents chaos pulsionnels, à comprendre leur fonctionnement, leurs effets irrationnels (magiques), jusqu'à dompter tous ces mouvements qui se produisent d'eux-mêmes, en y voyant une structure, des formes, des symboles.
Autrement dit, après avoir appris à réfléchir, il devra apprendre à trouver un sens aux différents mouvements, évènements de sa vie. Une symbolique. Puis il essayera de parachever ce sens.
Et c'est même pire que cela en fait.
L'intelligence abstraite est durement acquise, raison pour laquelle elle devient reine : difficile de s'arrêter de penser. Pourtant, ce que l'initiation nous dit implicitement, c'est qu'il va falloir subordonner cette pensée à autre chose. Obliger la reine à rendre sa couronne.
À quoi ?
Aux formes, aux symboles générés par vos pulsions et celle du monde. Donc non seulement nous allons devoir nous initier à la logique tempétueuse de l'âme, mais en plus nous allons devoir subordonner nos autres facultés à cette dernière.
En quoi consiste la subordination de la pensée (et des autres corps) vis-à-vis de l'âme ?
S'il fallait illustrer symboliquement le lien de subordination de la capacité d'abstraction envers cette nouvelle intelligence, ce serait comme de dire que la raison, le cerveau (au sens commun du terme), doivent être au service des rêves.
Et là, je pense que vous commencez à réaliser l'ampleur du travail... titanesque (au premier abord).
D'abord, parce que les rêves, c'est un peu n'importe quoi, difficile d'y trouver un sens. Ensuite, tous ne sont pas bons, tous ne sont pas des représentations de vie idéale à mener, loin de là ! Beaucoup sont mornes, voire abjects. Enfin, comment comprendre un tel bazar, un tel chaos ?
Et pourtant c'est bien la voie à suivre. Dans ce magma se cache une dose de sens et d'intelligence supérieure à n'importe quelle réflexion. 1000 heures à penser ne valent pas un rêve bien fait. (Mais le rêve est 1000 fois plus compliqué à comprendre...)
Et notez que là, nous ne parlons que des rêves. Les formes, les pulsions, les mouvements emplis de sens, ils se voient en bien d'autres endroits que les rêves !
Ainsi viendra un temps où vous verrez tellement de sens, signes et symboles dans et autour de votre vie que vous ne saurez plus ou donner de la tête. Tellement de rêves à décrypter, de situations...
Subordination de la pensée = instabilité ?
Pas du tout !
Vous savez, je vous provoque un peu. La subordination de la pensée vis-à-vis des pulsions, si elle est réelle, ne concerne qu'une seule partie de l'équation, la quête intérieure, personnelle. Cela concerne tout ce que j'ai dit précédemment donc.
Pour le reste, ce à quoi la pensée doit être soumise préférentiellement... Ce sont les prises de conscience, le moment où l'inconscient devient conscient, et parfaitement connu ! Nous préciserons cela dans une note à part entière, qui illustrera la bonne façon de se prémunir de la folie.
Mais vous avez besoin d'entendre le lien au chaos, sinon votre pensée ne s'associera jamais aux pulsions, donc j'insiste.
À ce stade de remplissage de l'âme, la pensée n'a plus qu'une seule fonction : tenter d'accomplir cette vie idéale que vous devinez par la lecture symbolique des différents évènements. Vous n'aurez plus le temps de penser sans raison, mais vous ne penserez plus que pour réaliser quelque chose (une inspiration) qui s'est imposé à vous. En clair, vous allez échafauder des théories et des plans sur la façon de concrétiser vos inspirations.
La pensée reliée.
Donc en résumé, subordonner la pensée, c'est faire en sorte qu'elle ne pense plus seule, mais en fonction de « quelque chose » d'autre. Quelque chose issu de l'âme. Pulsion ou conscience.
Si on laissait la pensée seule, elle ne manquerait pas de juger la vie qui vous habite, et la définir. Elle vous dirait qui vous êtes, et ce qu'est la vie, avec de belles théories. Sauf que l'image que vous vous faites de vous-même ne doit pas découler de votre pensée, sous peine d'être faussée... pour ne pas dire complètement à côté de la plaque. Tout au contraire, c'est à partir d'une représentation préalable, issue d'une prise de conscience, que vous devez commencer à penser. Et non l'inverse. Il n'est pas difficile de comprendre, avec une terminologie actuelle, que lorsque mon inconscient est révélé à moi-même, il dit plus de vérité sur moi que n'importe laquelle de mes théories cérébrales.
Remarque : À noter que, lorsqu'elle est soumise à l'âme (la vraie, naturelle), la pensée devient tranquille, car occupée à bon escient.
C'est un état qui confine progressivement au silence mental, qui n'a rien à voir avec une cessation définitive de la pensée, mais qui relève plutôt d'un équilibre, d'une absence d’excès dans
l'exercice cérébral. Un cerveau qui pense sans excès... on croirait rêver !
Pourquoi subordonner la pensée à l'âme ?
Lorsque nous faisons évoluer notre façon d'exercer notre intelligence, nous la raffinons, ce qui ne manque pas de peaufiner la beauté de la vie elle-même.
L'intelligence abstraite, utilisée à bon escient, permet d'enrichir la vie humaine de bien des manières. Mais elle a ses limites. Et vient un temps où, si l'on veut améliorer sa vie encore, il faut passer le relais à un autre type d'intelligence, pour pouvoir faire plus, faire mieux.
Exemple : Vous êtes une personne qui pense plutôt bien, intelligente, équilibrée. Vous avez une bonne place dans la société et tous vos proches sont fiers de vous. Raisonnable, vous gérez plutôt bien la majorité de vos défis... À une exception près.
On ne sait pas pourquoi, mais vous engagez toujours le même type de relation. Et toujours, vous finissez par les saboter. Sur le papier pourtant, tout va bien, ces personnes sont autant de belles promesses d'avenir. Il eût donc été raisonnable de faire perdurer chacune de ces relations à leur point d'acmé. Que des échecs. Et c'est toujours le cas. C'est comme si... « quelque chose », une main invisible, agit à votre place. À chaque fois. Pourquoi ces sabotages irrationnels ? C'est une chose que vous ne parvenez pas à penser. Aucune de vos théories cérébrales n'est capable de rendre compte de la réalité, et de fait, impossible pour vous de faire évoluer votre vie à un niveau supérieur de satisfaction.
La réponse doit bien être ailleurs. D'ailleurs, cette nuit, vous avez fait un rêve bizarre...
Donc il est des problèmes qui ne pourront être résolus qu'en intégrant la dimension de l'âme dans l'équation, et pas autrement. Pas de panique, ce n'est pas si dur, et puis grâce à l'initiation vous savez que le monde de l'âme est seulement déroutant, pas inaccessible, loin de là ! Vous avez les outils nécessaires pour aller à sa rencontre.
Comment s'engager dans un processus de subordination de la pensée conceptuelle ?
Le seul moyen d'engager la pensée dans une voie de la subordination consiste à lui faire subir une défaite. Ce n'est qu'en voyant la supériorité de l'intelligence analogique face à l'intelligence abstraite que l'on peut finalement soumettre l'une à l'autre. Concrètement, cela suppose de résoudre un problème de votre vie en premier lieu sur la base d'un rêve, d'une interprétation symbolique ou bien de je ne sais quel signe ou prise de conscience quelconque plutôt qu'en amorçant le mouvement par votre réflexion seule.
Remarque : Et surtout, pas de fausse modestie. Beaucoup, attirés par la posture du sage, se plaisent à feindre la soumission de la pensée vis-à-vis de je ne sais quelle autre réalité mal définie. Il faut impérativement une défaite, une vraie.
Regardez-vous. Vous avez de bonnes facultés, un cerveau qui fonctionne bien. Vous êtes le Graal tel que la société le suppose.
Et pourtant ce n'est pas suffisant. Ce n'est pas avec cela que vous révélerez votre nature. Il vous manque quelque chose. Du moins si vous avez soif, c'est qu'il faudra aller plus loin.
Sous peine d'en souffrir. Pas d’inquiétude, on va faire ce qu'il faut.
Bonus
Comme d'habitude, le sujet suppose de multiples nuances, en voici une toute petite.
Il existe une hiérarchie entre les intelligences, soit. Mais pas entre les tempéraments. C'est qu'il ne faudrait pas confondre verticalité et horizontalité !
Il est vrai que les intelligences sont subordonnées les unes aux autres du point de vue de l'évolution, mais au regard de la vie quotidienne, toutes les facultés se valent. On utilise autant les émotions que le mental, et autant l'âme que le corps physique.
Pire, nous avons des propensions naturelles à user d'un moyen d'expression privilégié. Un tempérament (il existe différents groupes de tempéraments). Ainsi il y a les sensitifs, les émotifs, les cérébraux, et les rêveurs. Et ce n'est qu'une première manière de refléter les différentes tendances. A votre avis, le tempérament rêveur est-il le plus intelligent ? Je crois que je peux m'abstenir de répondre.
Remarque : Vous savez, les confusions entre rapports horizontaux et verticaux sont probablement les erreurs les plus difficiles à éviter lorsqu'on façonne une grille de lecture...
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